DEMAIN, UNE SOCIETE NOUVELLE
Le 22/04/03, au NECC, M.Bérigaud nous a brossé le tableau de l'évolution de l'économie entraînant une modification des habitudes de vie et des mentalités de notre société. L'économie actuelle est constituée essentiellement par les activités de service où le produit fini n'a pas de réalité matérielle (ex : transports, réparations, maintenance, informations, enseignement, médecine, organisation...) contrairement aux produits finis de l'agriculture et de l'industrie. C'est le règne de l'immatériel à base de savoir, d'innovation et de technologies "high-tech" (70% du coût d'une automobile est dû à des éléments immatériels : recherche, essais, sondages, publicité...). Une composante essentielle de cette économie de l'immatériel est constituée par le secteur des loisirs avec le tourisme, l'audiovisuel, les jeux de hasard et le sport. Ce dernier est passé du stade amateur au " business " avec une valeur symbolique et mobilisatrice mais aussi la volonté de faire de l'argent grâce aux médias audiovisuels et aux fournisseurs d'équipements sportifs. Peut-on dégager des caractéristiques communes à ces éléments immatériels ? On peut dire qu'ils ne portent pas sur des "objets " de première nécessité, qu'ils puisent leur essor dans des pulsions psychologiques, qu'ils mélangent l'utile et le futile, qu'on peut les stocker et les manipuler à distance (ex : logiciels sur Internet), que le fait de les consommer ne les détruit pas (ex : un film) et qu'ils mélangent des concepts qui s'opposent : l'éphémère et le durable, l'unique et le répétitif. Ainsi le capital d'une entreprise est-il essentiellement immatériel à base d'informations détenues par l'entreprise, de capital humain (qualité des salariés), de charisme des dirigeants, d'images de marques, de propriété intellectuelle (brevets) et de culture d'entreprise. Mais tout cela est difficilement mesurable et ces actifs peuvent être très volatils si bien que la cote de certaines entreprises en bourse fait le "yoyo". En conséquence, cette économie de l'immatériel est d'abord axée sur le spectacle et le sensationnalisme avec des effets pervers : l'importance des médias qui mettent l'accent sur certains évènements et qui en occultent d'autres, le voyeurisme qui exhibe la vie privée (ex : loft story) et le grave problème de la culture (culture éternelle et universelle ou "pop culture" ? ) dont on ne sait plus qui sont les gardiens : sponsors, Etat, artistes, enseignants ? |
C'est aussi une économie du pari : ainsi dans les domaines de l'audiovisuel, de l'industrie pharmaceutique et des biens de consommation courante, l'échec est la règle et le succès l'exception (80 % des biens de consommation courante sont caducs au bout de deux ans). On va donc essayer de rentabiliser au maximum un produit qui réussit (ex : pour un match prestigieux, droits de retransmission télévisuelle, vidéo et produits dérivés divers et multiples). Cette économie est ensuite basée sur la personnalisation qu'il s'agisse de publicité avec l'utilisation de vedettes, de politique où la personnalisation des leaders est une stratégie de conquête du pouvoir, de gestion de l'entreprise où la personnalité du dirigeant est primordiale (ex : Bill Gates chez Microsoft). De plus, c'est une économie de l'information. On assiste à la fois à une fragmentation de l'information sous forme de publications très spécialisées et à un regroupement des firmes productrices de cette information (Ex : l'empire Lagardère dans le domaine de l'édition et de l'audiovisuel). Se pose aussi le problème de l'utilité des informations diffusées car plus on en a, plus on a de mal à trier. Enfin, cette économie développe le concept de réseau qui permet des activités à distance par l'intermédiaire des réseaux de transmission de données et d'Internet.
Quels sont les défis que doit relever notre société face à cette économie de l'immatériel ? Le premier défi est celui de l'appartenance avec un fort sentiment d'écartèlement entre culture mondiale et essaimage de particularismes qui conduisent en politique à deux mouvements contradictoires d'unification et de balkanisation créant des risques d'atomisation. Le deuxième défi est celui de la connaissance de cette économie de l'immatériel qui crée un univers fluctuant, ambivalent et contradictoire où il n'y a pas de recette miracle et où le qualitatif et des notions subjectives telles le "bonheur" deviennent primordiaux. Ce monde immatériel n'est pas encore appréhendé correctement par les économistes et les dirigeants politiques. Les traumatismes que nous vivons actuellement (ex : le chômage) sont dus au fait que nous sommes encore, depuis 1970, dans une phase transitoire résultant du passage d'une économie tournée vers le monde industriel à une économie fondée sur l'immatériel. Une théorie économique permettant d'y voir clair est encore à élaborer. Voilà, en conclusion, une conférence à méditer pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons... M. Bordes-Robinot |
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