Animation philosophique à l'UIA Récit : la laïcité
La philo est parfois perçue comme une discipline un peu hermétique et poussiéreuse, pratiquée par des philosophes déconnectés de la vraie vie. Kant a même établi le constat de décès de la métaphysique. Démenti coloré de ces préjugés, les cours 2003 du Pr. J. J. Breton sur la république se sont inscrits dans une vivante réalité. Le cours 2001 nous avait introduit à l'actualité de Spinoza, borne sur la route d'une philosophie hédoniste.
La laïcité dans le cadre de la république, sujet du dernier cours. Le débat est d'actualité : bientôt 2005 ! J. Chirac a demandé à la commission Stasi de faire le point en décembre, R. Debray qui a défini un sacré laïc, non divin, a remis un rapport sur l'enseignement ''objectif" du fait religieux à l'école. On discute de l'héritage humaniste ou religieux de L'Europe et un grand débat sur l'école est ouvert pour un an. Je voudrais vous faire ici partager quelques éléments de la réflexion de J. J. Breton, quelque peu ré-appropriée... A travers des cours animés et interactifs nous avons parcouru la notion de république "gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" à travers son histoire, ses valeurs et ses problèmes, avec bien sûr, la prise de distance propre au philosophe. Plus qu'un rappel, une brillante et rigoureuse étude a démontré les mérites d'une république indivisible, démocratique et sociale, assurant l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion et respectueuse de toutes les croyances, donc laïque. La laïcité, quelle est sa définition ? La laïcité existe -t-elle en soi (cf. le beau platonicien) ? Elle est construction permanente, elle est l'acceptation du principe d'égale dignité de tous les humains. Une histoire mouvementée. J. J. Breton en situe le commencement à la Bible et au "rendez à César" du Christ qui marque la fin théorique de la sacralisation du politique. Nous survolons l'évolution des constitutions et de leurs préambules, précédemment explorés. Nous traversons la révolution de 1789, la prise de la Bastille et l'abolition des privilèges. Avec la déclaration des droits de l'homme et du citoyen fondés sur le principe de la liberté de conscience, nous assistons à l'émergence de la personne souveraine et autonome. Après la pacification du concordat de 1802, le conflit entre l'église et la République culmine avec la loi de séparation de 1905. Nous terminons par l'article II de la constitution qui, incluant l'incroyance, en fait un modèle unique, et le plus universel actuellement. |
La séparation de l'église et de l'état.
La laïcité a été une conquête de l'humanisme et une mise en acte des valeurs républicaines. Elle ne s'est pas toujours construite dans la sérénité. Le politique a si longtemps baigné dans le religieux que des relations étroites subsistent toujours après son arrachement. Mais il n'en a plus besoin pour se référencer. Retour sur Kant pour qui "l'homme ne connaît d'autre univers que celui qui se soumet aux lois de son intelligence, ni d'autre morale que celle où il est à soi-même sa propre loi." C'est la conséquence inévitable de l'érection de la science et du positivisme en moyens absolus pour aboutir à la connaissance et à l'harmonie. D'un côté nous sont proposées la liberté, la raison et la science, de l'autre, une seule et unique explication transcendante, supérieure à tout ce qui est humain sans place pour la discussion. Mais la science n'explique que le comment et produit des théories vraies mais réfutables. Interprétée de façon erronée, cette réalité permet à des états hautement civilisés et démocratiques, comme la Californie et le Kansas (laïcs ?), d'interdire l'enseignement du darwinisme. Qu'une transcendance existe ou pas n'est pas le problème. Le "pouvoir spirituel" de la République, c'est d'éduquer toutes ses composantes à penser librement. Atteindre ce but, pourrait bien impliquer pour la laïcité, d'aller se situer au-delà de toute transcendance et de toute métaphysique. Le respect, l'impartialité et la reconnaissance, laïcité en actes. Tout philosophe sait que nous adoptons des idées vraies. Par exemple, si je dis : "Dieu existe". Une grande majorité tient cela pour vrai. Le divin et la transcendance seront donc l'horizon de ma finitude, et le livre pourrait être ma seule loi. Mais nous savons aussi que toute idée contraire à une idée vraie est fausse. La laïcité se réduirait-elle à me faire tolérer les "pauvres erreurs" d'autrui dans l'attente du triomphe universel de ma vérité ? Certainement pas, car je dois partager un seul monde, sur un pied d'égalité, avec celui qui ne se réfère pas au même livre que moi et pire, avec celui qui ne se réfère à aucun. Problème ! Il nous a fallu des siècles d'humanisme militant et près de deux siècles de démocratie active pour accepter l'idée d'égale dignité de tous les humains. Cela nous paraît évident aujourd'hui en occident, mais beaucoup de pays ne bénéficiant pas d'un régime démocratique, leurs ressortissants peuvent ignorer ce principe et un gros travail d'éducation est donc nécessaire. C'est le rôle de l'école. L'école. La laïcité concerne en premier lieu l'école qui forme le citoyen laïc. Elle ne peut pas être le reflet de la société, mais le lieu où la société se met à distance d'elle-même. C'est là son rôle émancipateur. Sa mission n'est pas d'émanciper du christianisme ou de l'islam, etc. |
La laïcité, c'est une exigence qui invite les hommes à se savoir hommes avant de se marquer par leurs appartenances. Cela va plus loin que la tolérance qui implique le respect des différences et des cultures, mais qui pourrait s'accommoder du communautarisme et des inégalités ou de l'assujettissement des femmes. Cela implique l'existence de règles. En particulier, l'actuelle incertitude de la loi ou de la norme vis à vis du port du foulard permet d'autres dérives à venir. A Birmingham, des bengalis ont obtenu que leurs femmes se baignent seules en piscine municipale et dans une eau non polluée par des non musulmans. Une nouvelle loi serait-t-elle souhaitable ? Pour construire la laïcité, la république doit : - assurer le libre accès de tous à tous les emplois selon le seul mérite et donner la même égalité de chances à tous. Seule entorse admise : le point de départ dépendant de la naissance ne peut pas être égalitaire. - développer la vie de l'esprit sous toutes ses formes, - être laïque, sociale, non caritative, et ne pas confondre l'économique et le politique, - maintenir une étroite solidarité et une justice sociale et réduire les inégalités. - n'accepter ni prosélytisme ni pur oubli du religieux. Doit-elle se ré-approprier pour un enseignement objectif la culture et les traditions même d'origine religieuse et produire une information objective du fait religieux. Est ce possible, par qui et comment ? Imaginons une scène : l'Annonciation de da Vinci montrée à un enfant : "racontes la scène" un jeune homme ailé parle à une dame... Ou une autre "l'homme qui se disait fils de Dieu" pour désigner Jésus ! Solution du paradoxe républicain : Retrouver la fraternité laïque, ce serait donc frapper d'étrangeté ma propre identité. Mais la pure laïcité, comme le doute hyperbolique de Descartes, viderait le monde de tout contenu. Pour le remplir il me faut bien cultiver les différences reliées à ma culture. L'individu républicain doit délier ses liens d'avec sa culture et ses traditions sans les rompre, délier pour lier. Il a le devoir de mettre entre parenthèses ses différences : sexe, croyances, ethnie, religion, afin de dégager l'espace pour la pensée libre. Il peut même réformer ses opinions, grâce au libre arbitre qui serait ce que nous avons de plus grand ici bas. D'ailleurs même la constitution est révisable. Que J. J. Breton soit remercié ici pour les clés qu'il nous donne pour comprendre les questions posées par l'actualité à la laïcité par le communautarisme, l'intégrisme, la décentralisation, la constitution européenne, l'enseignement religieux à l'école, le port du foulard et les diverses demandes de dispenses. J. Jove |
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